Congés payés et maladie : la loi de mise en conformité au droit européen s’applique à partir du 24 avril 2024
- ptruche
- 27 avr. 2024
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Les dispositions de la Loi 2024-364 fixant les nouvelles règles d’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident professionnels ou non sont entrées en vigueur le 24 avril 2024.
L’intervention du législateur était nécessaire et attendue. Elle fait suite aux arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 (Cass. Soc. 13 sept. 2023, n°22-17340 ; 22-17638 ; 22-14043, 22-10529) procédant à une application directe du droit européen et écartant les dispositions du code du travail.
Nous vous présentons ci-après une synthèse des principaux apports de la loi, qui ne manquera pas de soulever d’importantes questions pratiques.
Que prévoit la loi entrée en vigueur le 24 avril 2024 ?
Cette loi, conformément au droit de l’Union européenne, instaure un droit à acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie, quelle qu’en soit l’origine.
Elle opère toutefois une distinction selon que l’arrêt de travail est d’origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle) ou pas (maladie « ordinaire » ou accident de la vie privée). En effet le salarié dont l’arrêt de travail est d’origine professionnelle devra acquérir 2,5 jours ouvrables de congés par mois (soit 30 jours ouvrables de congés payés en cas d’arrêt sur toute l’année de référence), quand celui en maladie « ordinaire » ou résultant d’un accident non professionnel n’acquerra que deux jours ouvrables par mois (soit 24 jours ouvrables de congés payés en cas d’arrêt sur toute l’année de référence), sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
Comment appliquer ces dispositions pour la période passée ?
En substance, la date à partir de laquelle tous les salariés pouvaient invoquer un droit à congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident professionnels ou non est la date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009. La rétroactivité de la loi du 22 avril 2024 s’applique donc à compter du 1er décembre 2009.
Néanmoins, le législateur a entendu encadrer cette rétroactivité. Ainsi, la loi prévoit que, pour la période du 1er décembre 2009 au 24 avril 2024, les congés supplémentaires ainsi acquis ne pourront, pour chaque période annuelle de référence, excéder 24 jours ouvrables de congés, après prise en compte des jours déjà acquis pour la même période au titre des anciennes dispositions du code du travail.
Par exemple, si un salarié a été absent pour maladie d’origine non professionnelle pendant un mois sur une période de référence quelconque avant l’entrée en vigueur de la loi, il pourrait normalement prétendre à deux jours ouvrables de congé à ce titre. Toutefois, si au cours de la période de référence concernée, l’intéressé a pu acquérir au moins 24 jours ouvrables de congés payés, il ne pourra pas demander, aujourd’hui, le bénéfice des deux jours ouvrables acquis pendant son ancien arrêt.
De même, si un salarié a été absent pour maladie d’origine non professionnelle pendant six mois sur une période de référence quelconque avant l’entrée en vigueur de la loi et n’aura acquis que 15 jours ouvrables de congés payés sur cette période (soit 2,5 jours ouvrables pour chacun des 6 mois travaillés), il pourra demander 9 jours ouvrables de congés payés au titre de sa maladie (pour atteindre le minimum de 24 jours ouvrables sur une même période de référence).
Quid du report des congés acquis avant ou pendant un arrêt maladie, d’origine professionnelle ou non ?
Pour tenter de faire simple, on peut résumer les choses de la façon suivante :
- la période de report pour les congés payés acquis non pris en raison d’un arrêt de travail est de 15 mois ;
- ce délai de 15 mois court à compter de l’information faite par l’employeur, qui doit être réalisée dans le mois du retour d’absence du salarié, sur le nombre de jours dont dispose le salarié et la date limite de report ;
Ces règles s’appliquent :
- aux congés acquis avant la période d’absence ;
- aux congés acquis au cours de la période d’absence pour maladie, sauf en cas d’absence pour maladie de longue durée (correspondant à plusieurs périodes de référence consécutives). Dans cette dernière hypothèse, quand les congés ont été acquis au cours d’un arrêt maladie, la période de report peut débuter, non pas à la reprise du travail mais, même en l’absence d’information, à la fin de la période d’acquisition des droits si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an. Si cette période de report n’a pas expiré à la date de la reprise du travail, elle est suspendue et courra de nouveau à compter de la date à laquelle le salarié aura reçu les informations par l’employeur (nombre de jours dont il dispose, délai de report, etc….). En revanche, les congés acquis par les salariés absents et qui ont été reportés de 15 mois à l’issue de cette période ont été perdus si le salarié n'a pas repris au cours de ces 15 mois. Cette règle évite le cumul des congés payés lorsque l’arrêt de travail excède un an.
Les employeurs doivent donc vérifier les bulletins de paie et procéder à une évaluation des droits acquis, des droits reportés et de ceux encore exerçables.
Par exemple, un salarié a été absent du 1er février 2021 au 15 juin 2023. Il avait acquis 20 jours de congés payés du 1er juin 2020 au 31 janvier 2021. Aux termes des nouvelles dispositions légales, il a acquis 4 jours de congés au cours de la période courant du 1er février 2021 au 31 mai 2021 (soit 24 jours « garantis » – 20 acquis). Il a ensuite acquis 24 jours du 1er juin 2021 au 31 mai 2022. A cette date, son contrat est suspendu depuis plus d’un an. La période de report de ses congés (48 jours acquis) débute donc le 1er juin 2022 pour une période de 15 mois soit jusqu’au 31 août 2023. A sa reprise le 15 juin 2023, cette période de report a donc couru pendant 12,5 mois et se trouve suspendue, du fait de la reprise, jusqu’à ce que l’employeur l’informe de ses droits à congés payés. Selon nous, le salarié devrait alors poser ses jours acquis avant le 31 août 2023.
De quel délai disposent les salariés pour solliciter en justice l’octroi de jours de congés acquis entre le 1er décembre 2009 et le 23 avril 2024 ?
La loi encadre le délai d’action en justice du salarié en poste dans un délai de 2 ans à compter de sa promulgation, soit jusqu’au 24 avril 2026.
En revanche, elle ne contient aucune disposition concernant les salariés dont le ou les contrats de travail en vigueur pendant la période d’application rétroactive de la loi ont été rompus. Pour ces salariés, la prescription triennale applicable aux créances salariales devrait s’appliquer.
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